Dans notre maison réduite au minimum, il fait bon vivre. Pour une vie au grand air, ces quelques mètres carrés suffisent (14m2). Nous avons tout :l'électricité, l'eau courante plus la liberté de changer d'endroit à tout moment. Quand le soleil est présent , la vie défile à grande allure, les parents comme les niños se portent à merveille. Nous ne sommes plus des consommateurs à grande échelle; on se nourrit du soleil, des rires, des tâches quotidiennes et de livres. On consomme la vie et les jours s'étalent dans une douce chaleur. Chacun a pris ses marques, ce fut presque instantané, le lit de l'asticot s'est vite transformé en bateau, l'espace délimité par les pieds de la table en maison miniature pour enfants, notre poste de pilotage en mirador, vue panoramique exceptionnelle.
Pour les parents, il suffit de penser à tout, de remplir le frigo, de maintenir notre lieu de vie propre, d'avoir une idée de notre prochaine halte, de prendre le temps de regarder ce qui nous entoure.
C'est el Padre qui conduit et moi, qui guide. Les sautes d'humeurs, les hausses de ton, les petites phrases assassines sont quasi absentes. Il y a bien quelques éclairs de surtension quand la nuit se dépose sur l'asphalte déroulante et que bivouac rime avec chimère. Et puis peut-être les humeurs parfois changeantes de nos niños qui peuvent passer du rire aux larmes à la moindre contrariété.
La vie suit son court, on lui tend les bras, on regarde nos niños grandir, et faire de nouvelles acquisitions. La croquette qui a laissé tomber la couche au Nicaragua, apprend à « nager » au Salvador, compte jusqu'à trois au Guatemala et colorie sans dépasser au Panama. L'asticot qui a marché seul pour la première fois dans le sable au Panama, nage au Salvador, sait tout du poisson, de la tortue et du papillon au Costa Rica et fait du cheval au Nicaragua.
Ici, on apprend qu'il n'y a pas d'échelle dans la pauvreté, qu'il est difficile de comparer des maisons faites de bâches et de tôles avec des maisons faites de bois et de terre comme on comparerait une villa à une maison deux façades ou un penthouse avec un appartement du deuxième étage.
On apprend que la vie, ici, est un labeur, qu'il n'y a pas de choix, on fait ce que les parents ont toujours fait. Le temps, ici, s'est comme arrêté. On va chercher l'eau où il y en a, cuisiner au feu de bois prend un temps fou. Le choix entre la vitrocéramique ou l'induction ne se pose pas.
On s'inquiète de savoir son mari jaloux et de la trempe qu'on risque de s'attraper le soir si on parle à un autre homme.
On ne s'inquiète pas des futures études de sa progéniture, on espère seulement que la fille sera vite une bonne aide-ménagère et le fils assez fort pour travailler la terre.
Ici, on ne cherche pas à faire plus ou mieux, on essaye simplement de maintenir ce qu’on a.
Ici, les questions n'existent pas, la religion y répond avant même qu'elles se posent. Le quotidien prend toute la place.
Les repas se déclinent toujours sous les mêmes couleurs, le rouge des frijoles, le jaune des tortillas et le blanc du fromage. Ici, on ne picore pas le fondant, le croustillant, on ne paraphrase pas le sucré, le salé, l'acidité; on engloutit la quantité, on tue l'appétit dès son essence, on mange « rico ».
Au restaurant, l'ardoise décrit platement ce que vous retrouverez dans vos assiettes. Pas de « fruits de la mer à la rencontre des saveurs du pays plat » mais bien « pescado, papas fritas » (poisson ,frites)
Ici on ne pense pas perce neige en février, jonquilles en mars et géraniums en mai, on pense terre battue ratissée en été et boue salissante en hiver.
Ici, on ne s'inquiète pas de l'herbe qui jaunit ou de la tondeuse qui ne démarre pas, on ratisse et on fauche.
Ici, on naît avec une machette en bandoulière et des tongs au pied, pas avec une gourmette au poignet et un compte épargne sans frais.
Ici, on te dit que ta fille est grosse de la même manière qu'on te vante ses yeux fabuleux.
Ici, le soir, les gens prennent place dans des hamacs, veillent sous les étoiles, rient, parlent, cuisinent sans la boite à image en fond sonore.
Sont-ils à plaindre, faut-il vraiment savoir s'il sont plus malheureux que nous, faut-il les aider et en quoi pourrions-nous les aider. Sortir les femmes de leur cuisine, mettre leurs enfants à l'école le plus tôt possible, leur faire miroiter une maison plus grande, leur donner une voiture pour s'enfoncer dans les embouteillages, accrocher à leur poignet une montre pour qu'ils puissent courir après le temps?
Impossible pour moi de répondre.
C'est une leçon de vie que de lire votre texte.
RépondreSupprimerCes gens vivent au rythme de la nature.Ce que nous avons oublié de faire.Ils ne courrent pas après le temps.Ce que nous faisons sans arrêt!!
Pourquoi et pour qui????
Nous en oublions de savourer les choses simples de la vie.
Bizzz à vous 4.Nathalie
Quel magnifique texte...
RépondreSupprimerOn vous embrasse.
Pierre-Yves, Renaud, Caro et Corinne